L’improvisation théâtrale et moi

Deux comédiens

Oser se mettre en scène pour prendre part à une création dans laquelle nous avons peu de contrôle, voilà une action délicate à amorcer pour la plupart d’entre nous…
Un jeu qui en vaut la chandelle !

Pour ma part, j’ai été soulagée lorsque Marie Leresteux, formatrice en prise de parole à Boîte en Scène m’a appris que parler en public est la deuxième plus grande peur de l’humain après celle de mourir.
Je n’étais pas la seule !

La première fois que je suis montée sur scène, j’étais terrifiée. J’ai même failli renoncer.
Le premier pas est le plus difficile, puis, si on a un réel engouement pour le jeu d’acteur, l’adrénaline et le plaisir prennent le relai.
A cette époque, j’avais 19 ans et je ne faisais que du théâtre d’interprétation.
Je faisais partie d’une troupe de quatre amis, nous nous sommes construits des aventures et des souvenirs formidables !
Ne nous le cachons pas: lorsque les joueurs ont un lien proche, la confiance et la joie n’en sont que décuplées.

Le théâtre d’improvisation est venu plus tard dans ma vie.
Je souhaitais reprendre le théâtre mais tester une approche nouvelle.
J’ai découvert quelques séances d’improvisation lors d’une conférence sur l’intelligence collective où je m’étais beaucoup amusée. J’ai suivi mon instinct.

J’ai cherché à comprendre l’origine du bien-être et de l’entrain que je ressentais.
Rétrospectivement, j’ai compris que je cherchais principalement à apprivoiser le regard de l’autre sur moi et à m’habituer à la part d’inconnu des évènements. Et ça a plutôt bien fonctionné !

Voici ce que l’improvisation théâtrale m’a apporté:

  • lâcher-prise
  • imagination
  • réactivité
  • fous rires collectifs
  • émulation
  • sociabilité
  • communication
  • confiance
  • spontanéité
  • affirmation de soi
  • expression de ses émotions
  • activité physique …

Cette activité possède des qualités pédagogiques voire thérapeutiques, individuellement et dans notre rapport à l’autre.
Le lien avec soi-même se construit grâce aux autres joueurs. On se repositionne et on évolue sans cesse.
Un joueur doit pouvoir compter sur le groupe pour rebondir s’il est en panne d’idée, et des joueurs confiants et motivés emmènent l’histoire bien plus loin.

Des règles structurantes nécessaires…

Pour que le cheminement opère, des conditions doivent être réunies : connaissance des règles, progressivité, respect des participants et de leurs limites, absence de jugement, débriefing entre les joueurs…
Se sentir en sécurité psychologique est nécessaire pour s’exprimer sans crainte d’être humilié, rejeté ou puni.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, des règles sont bien présentes. Elles sont garantes du respect de la place de chacun et d’interactions riches et constructives pour l’histoire.
Elles sont les fondations de l’harmonie du groupe pour qu’il puisse fonctionner tel un orchestre !
L’improvisation théâtrale agit comme un catalyseur qui met en avant ce qui fonctionne en groupe, selon que l’histoire créée avance de façon fluide ou non.

… Pour une maximisation de liberté créative

À mon sens, plus le cadre est présent et structuré par les règles, plus l’espace de liberté est grand en son sein: tout comme des enfants qui jouent sur un balcon en hauteur n’utiliseront l’espace jusqu’au plus près du bord qu’à la condition qu’il y ait la présence de garde-corps.

Petit à petit, on intègre la présence d’un filet de sécurité et on s’habitue à l’inconnu.
On s’autorise alors naturellement à aller plus loin dans nos propositions, le plaisir et de la surprise prennent plus de place, et la confiance se renforce en un cercle vertueux.
Le terrain de jeu est balisé pour laisser toute la place disponible à l’expression. L’incarnation de personnages permet de s’accorder le droit à l’erreur.
C’est très libérateur!

Extérioriser ses émotions est indispensable pour se maintenir en santé.
Dans notre culture, nous apprenons peu à le faire et le lieu de travail est le dernier endroit où elles sont accueillies.
J’ai connu des milieux professionnels particulièrement durs dans lesquels j’entendais qu’il n’y avait pas de place pour les émotions (en général, cette affirmation permettait de déceler une certaine colère ou peur de la part de son émetteur, ce qui est amusant quand on y pense).
Pourtant, le propre de l’humain est d’être constitué d’émotions qui ont des fonctions. Il est dommage de ne pas s’en servir.

Le théâtre est un excellent moyen pour offrir un espace aux émotions.
Nous ne cherchons pas à les cacher mais au contraire à les exploiter.
Elles ne sont pas un fardeau, elles deviennent un cadeau à partager.

C’est une école de la vie : on accepte l’inconnu, l’autre, notre vulnérabilité, notre humanité.

Plumes de paon

« Ce qui compte, c’est de prendre un risque de belle qualité. […] Le fait d’accepter toutes les propositions de l’autre, de dire oui, permet d’être là, simplement d’être là […] Ce qui est important, c’est le goût du jeu : plus il y a de règles, plus on est libres. […] C’est comme un habit différent qu’on propose au public chaque soir : il y a des pans de l’habit qui sont sus, et d’autres qui sont totalement inconnus et imprévisibles.
Il faut aimer être « risquophile » ; aimer avoir peur ; être prêt à se jeter du haut d’une tour. L’impro apprend à être maintenant. C’est très important de jouer avec le maintenant, parce que c’est être ouvert à la surprise. »
 
Pierre Mifsud.

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